• Monsieur Ching Tsai Loo ( Monsieur LOO )

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    Marché de l’art. Les secrets du plus célèbre des marchands d’art chinois, Ching Tsai Loo, qui fit connaître l’art de son pays en Occident, révélés dans la biographie que lui consacre Géraldine Lenain, experte chez Christie’s à Shanghai.

     

    Longiligne, des cheveux lisses et blonds, des mains fines qui bougent sans brusquerie lorsqu’elle parle, Géraldine Lenain se livre avec délicatesse et des faux airs de Sandrine Kiberlain dans le salon de thé parisien où nous la rencontrons. Elle s’apprête à prendre un vol pour New York. Elle est de passage en France. Directrice internationale des départements de céramiques et d’objets d’art chinois de Christie’s, elle vit à Shanghai et voyage beaucoup.

     

     

    « Elle a un “oeil” », loue l’expert Thierry Portier,spécialiste des arts asiatiques, qui l’a formée avant qu’elle n’entre dans une maison de vente aux enchères. Un “oeil”, c’est le mot-clé qui revient dans la bouche de Géraldine Lenain pour parler de Ching Tsai Loo (1880-1957) plus connu sous le patronyme de “C. T. Loo”, le plus célèbre marchand d’art asiatique, le “Kahnweiler chinois”. « Celui entre les mains de qui passent, pendant plus d’un demi-siècle, les pièces les plus extraordinaires d’art asiatique », tient-elle à préciser.

     

    Elle lui consacre une biographie, Monsieur Loo, qui relève parfois du roman.

     

     

    Se pencher sur ce qu’était, en Occident, la perception de l’art chinois avant “Monsieur Loo”, donne la mesure de son influence :

     

    « On ne connaît alors que les “chinoiseries” — ces bibelots étranges et abâtardis mis à la mode par les frères Goncourt. » C. T. Loo va former le goût des puissants. On découvre grâce à lui la grande statutaire, les jades archaïques, les fresques bouddhiques.

     

     

    Il n’est que le “serviteur” d’un riche Chinois lorsqu’il arrive à Paris, en 1902, mais dès lors qu’il trouve sa vocation dans l’art, son ascension est fulgurante.

     

     

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    Dès les années 1920, il a pour clients les Rockefeller, les Morgan, les Vanderbilt. Il enrichit les plus grandes collections privées et publiques.

     

    Il est incontournable pour de prestigieuses institutions comme le musée Guimet, à Paris, ou le Metropolitan Museum of Art de New York.

     

    En 1915, il y ouvre une galerie sur la 5e Avenue.

     

     

    Entre 1926 et 1928, il fait construire La Pagode, immense villa chinoise dans la rue de Courcelles, dans le VIIIe arrondissement.

     

    C’est ici que le travail de « reconstitution d’une vie » commence pour Géraldine Lenain.

     

     

    « En 2006, j’ai été invitée par ses descendants à consulter ses archives, retrouvées par hasard à La Pagode. J’ai consulté ces milliers de pages de correspondance sur place. Le puzzle était complexe.

     

    L’enquête m’a demandée six années de travail. »

     

    Elle met à profit ses qualités professionnelles : des recherches méthodiques, de l’opiniâtreté pour mener un travail au long cours.

     

    Autre atout, pour avoir vécu une partie de son enfance en Asie, la Chine lui est aussi familière qu’elle le fut pour Lucien Bodard.

     

    Géraldine Lenain parle le mandarin et fut le premier expert occidental à travailler pour une maison de ventes chinoise, Guardian.

     

    Avec une proximité singulière, elle chemine au coeur des choix de cet homme de l’art chinois, distingué, résolu, énigmatique, défendant au mieux ses intérêts.

     

    Elle décortique son parcours qui fut « éminemment romanesque », alors qu’il brouille les pistes constamment, mentant sur ses origines, cachant sa double vie — chinoise et française —, cultivant maintes contradictions : il est fier de son pays natal mais pille sans vergogne ses trésors, il est à la fois un affairiste et un philanthrope.

     

    « En Chine, il est considéré comme un traître pour avoir exporté des stèles de Taizong, deuxième empereur de la dynastie des Tang. »

     

    L’auteur révèle un homme parfois manipulateur, qui, au lendemain de la Révolution de 1949, sera le seul « à échapper aux représailles ». Sacrifiant son guanxi (“réseau”) et défendant vaille que vaille l’idée que « les objets d’art parcourent le monde tels des ambassadeurs silencieux ».

     

     

    Voici la formidable aventure d’un orphelin né dans un obscur village des bords du Yangtsé qui devint le plus grand marchand d’art asiatique de son époque.
    Au début du XXe siècle, C.T. Loo (1880-1957) crée un nouveau goût, là où l’Occident ne connaissait que les « chinoiseries ».

     

    Dans sa pagode parisienne ou sa galerie new-yorkaise, Européens et Américains découvrent la grande statuaire, les fresques bouddhiques, les jades et bronzes archaïques chinois.
    Honoré en Occident pour avoir enrichi les grandes collections publiques et privées, cet homme si discret est honni en Chine pour avoir pillé les trésors nationaux.

     

    La vie extraordinaire de ce « Kahnweiler chinois » offre un éclairage passionnant sur la rencontre de la Chine avec l’Occident.

     

    Monsieur Loo.

    Le Roman d’un marchand d’art asiatique, de Géraldine Lenain, Éditions Philippe Picquier, 272 pages, 19 €. En librairie le 29 mars.

    Photo © SHANGGI NET

     

    Géraldine Lenain est historienne de l’art et spécialiste de l’art chinois.

    Elle a vécu une grande partie de son enfance en Chine.

    Installée depuis 2010 à Shanghai, elle dirige les activités liées

    aux objets d’art chinois d’une

    grande maison de vente aux enchères internationale.

    www.afhongkong.org

     
     
    « "LES ANNAMITES CHEZ EUX" René Bouvier (La Revue des deux mondes, octobre 1933)la maison de Monsieur Ching Tsai Loo »

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