Yunnan-Vietnam :
une ligne de chemin de fer française... en Chine
“Un train pour le Yunnan” :
la folle histoire d'un projet impossible.

Au début du XXe siècle, deux Français sont les témoins en Chine d'un chantier impossible : construire une voie ferrée à flan de montagne, au dessus du vide.
La Chine traverse à la fin du 19e siècle de profonds troubles.
La Guerre de l’Opium (1839-1842) et les interventions occidentales, qui se soldent par le sac du Palais d’Été (octobre 1860), créent une pression étrangère source de multiples incidents.
L’exaspération culmine avec la Guerre des Boxers (1899-1901), le siège des légations étrangères durant les « 55 jours de Pékin » et
le partage de la Chine en zones d’influences concurrentes.
Dans ce contexte, la France voulut affirmer sa présence et relier par voie ferrée le nord de la péninsule indochinoise, sous sa domination, au Yunnan, dans le sud de la Chine, s’ouvrant ainsi une voie de pénétration dans le vieil empire fragilisé.
Elle chargea Auguste François, consul en poste, de l’organisation des négociations avec les autorités chinoises en vue de créer la ligne Laokay-Yunnanfu.
Entre 1903 et 1908, Georges-Auguste Marbotte rejoint le projet.

A eux deux, ils photographient les ouvriers de l’extrême œuvrant dans des paysages singuliers et merveilleux, aux reliefs impressionnants.
Avec leurs objectifs ils immortalisent les populations qu’ils côtoient, leurs coutumes et modes de vie et le travail de titans accompli par les ouvriers locaux sur un chantier singulièrement périlleux.
Leurs magnifiques photographies cadrent le plus souvent les actions et les êtres dans des paysages grandioses aux reliefs impressionnants.

Devant relier deux mondes, l’Indochine française et le Yunnan sauvage, séparés par les vallées et les montagnes, la voie ferrée a nécessité la construction de 3000 viaducs, tunnels et autres ouvrages, pour un parcours de 500 km entre Laokay et Yunnanfu, soit 6 infrastructures par kilomètre de voie !
À flanc de montagne, ce train traverse la province du Yunnan, à 3 000 kilomètres au sud de Pékin.
Il s'agit d'un train historique.
( 12.000 Morts quand même ! parmi les ouvriers chinois ! )
La ligne Yunnan-Vietnam a été imaginée et construite par les Français entre 1903 et 1910.
Avant, le voyage durait 25 jours.
Avec le train, seulement trois jours et demi.
En cas d’un encombrement trop important,
comme ici les armatures métalliques destinées à la mise en place d’un pont sur arbalétriers, l'acheminement se faisait à dos d'hommes.
Sur 60.000 ouvriers locaux qui travaillèrent sur ce chantier, 12.000 moururent.
© Georges-Auguste Marbotte
Face au calvaire des travaux, Auguste François émettait des objections toutes diplomatiques, la ligne pouvant devenir, craignait-il, une porte d’entrée aux ennemis de tous bords.
Il y a 50 ans, c’est par lui que les Chinois fournirent des armes au Viet Minh, qui écrasera l’armée française.
Auguste François réside à Yunnanfu de 1899 à 1904.
Rebaptisée Kunming en 1913, la ville fut fondée sous les Hans (206 av. J.-C.-220 ap. J.-C.).
Les murs d'enceinte furent construits sous la dynastie Ming (1368-1644). La ville comptait 50.000 habitants intramuros à l'époque d'Auguste François. Sa population actuelle dépasse six millions et demi d'habitants. © Auguste François
Le clairvoyant consul François avait vu juste.

Après de multiples défis, à l’aube d’un siècle nouveau, le chemin de fer venait relier deux mondes, l’Indochine colonisée et le Yunnan sauvage.
La voie ferrée devenait un moyen de communication entre Orient et Occident et reste aujourd’hui un symbole fort d’un siècle de relations humaines entre la France et la Chine.
Lorsque les constructeurs du chemin de fer arrivèrent sur place,
ils ne disposaient pas d'autre voie d'accès que ces chemins de montagne qu'il a fallu agrandir pour l'acheminement des matériaux et des vivres. Le transport pouvait se faire à dos d'animaux à condition que les charges ne dépassent pas 80 kilos. 12.000 bêtes furent nécessaires.
© Georges-Auguste Marbotte
Cette voie ferrée a été classée au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2013.
Aujourd’hui encore, de nombreux chinois empruntent cette ligne Laokay-Yunnanfu, moyen de communication entre Orient et Occident.
Il reste sur le tracé de cette ligne, des gares à la française qui séduisent les Chinois.
Ils sont nombreux à s'y faire prendre en photo.
Des gares bien de chez nous, modèle d’avant le TGV, avec des tuiles mécaniques oranges, une horloge à fond émaillé estampillé d’une maison bisontine, une potence ouvragée et un hangar d’à côté en bardage de bois.
http://massonregis.jimdo.com/2016/05/30/le-train-du-yunnan/