A l’orée du XXème siècle, le Japon engage

une politique de domination de l’Asie orientale.

 

La Chine, qui se situe en pleine ligne de mire, doit alors déjà faire face à

une grave crise intérieure :

une guerre civile qui oppose les nationalistes de Tchang Kai-chek

aux révolutionnaires communistes de Mao Zedong.

L'invasion japonaise annonce quant à elle une tragédie

hors d’échelle, étonnament peu médiatisée en Occident.


L’occupation militaire nippone s'est déroulée sous des modalités particulièrement extrêmes : tortures de vieillards, viols collectifs d’enfants, concours de décapitation, expérimentations bactériologiques sur cobayes humains, meurtres de masse. 

 

De 1931 à 1945, on dénombre quelques 20 millions de morts chinois

(chiffre universitaire médian), soit plus de trois fois l’amplitude du génocide juif,

s’il est permis de comparer.

 

 

La Mandchourie annexée

 

Septembre 1931 :

le Japon envahit la Mandchourie, région immense et prospère du nord-est de la Chine.

 

L’Etat fantoche du Mandchoukouo est créé l’année suivante.

 

Dirigé en sous-main par les autorités nippones,

il sert de façade aux militaires pour éviter que les

chinois ne contestent leur mainmise.

 

En 1934, on intronise Pu-Yi empereur de cette province.

 

Ce dernier appartient à la dernière dynastie impériale ayant régné

sur la Chine, les Qing (de 1644 à 1911).


Cependant la répression reste violente, notamment

 

par la terrible Kempeitai, la redoutable gestapo japonaise.


Par ailleurs, c’est dans ce contexte qu’un accord secret contre-nature est signé au début de 1937.

Entre le Guomindang, parti nationaliste, et le parti communiste chinois.

Leur but est de joindre leurs forces pour opposer une

résistance plus efficace à l’envahisseur de l’Est.

 

C’est ainsi que la guerre civile prend fin, du moins temporairement. Aussi, cette alliance de dernière minute permet de sauver les meubles. La machine de guerre japonaise se remet très vite en route, dès juillet 1937.

 


Le territoire chinois pris d’assaut

 

Sans déclaration de guerre préalable, les troupes nippones réinvestissent la Chine.

Elles occupent rapidement la plaine du Nord, la basse vallée du Yang Tsé

et les côtes méridionales.

 

En 1937, Pékin, Tianjin, Shanghai et Nankin finissent par se rendre.

Le Japon préfère éviter de se poser en conquérant ;

il installe dans les territoires occupés un gouvernement chinois dirigé

par le président du Conseil politique du Guomindang,

le « numéro deux » de la Chine nationaliste, Wang Tsin-wei.

Quadrillant ainsi l’espace par un régime de "collabos".


Cependant, la résistance farouche des partisans chinois, couplée à l’aide étrangère,

russe et française notamment (argent, armes, et munitions)

surprend l’état-major japonais.

Leur stratégie de guerre éclair est annihilée.


Par ailleurs, dans un contexte de fanatisme exacerbé où sévit le

sentiment de supériorité raciale et culturelle,

les soldats japonais commettent des atrocités qui excèderont en intensité

les crimes nazis perpétrés en Europe.

 


Nankin, le défouloir de l’armée japonaise

 

Nankin est la capitale chinoise.

Il s’agit de l’un des plus grands centres littéraires,

artistiques, et politiques du pays.

L’armée japonaise va pourtant plonger cette ville lumière dans l’obscurité.

 

Les habitants vont vivre un véritable cauchemar éveillé.

Un calvaire qui durera près de sept semaines…

et qui fera 300 000 morts selon les autorités chinoises.


Plus de 50 000 soldats japonais entrent dans Nankin.

Impuissante et démunie, la population subit la fureur et le défoulement des instincts les plus bestiaux des envahisseurs.

Les soldats japonais s’adonnent quotidiennement à des actes d’une barbarie inouïe.


L’interdiction du viol par l’état-major nippon est officialisée.

Cependant, dans les faits, c’est bien tout le contraire qui se produit.

Par ailleurs, cet ordre a pour résultat de pousser les soldats à tuer

quasi systématiquement leurs victimes une fois leur forfait accompli.


Takokoro Kozo, soldat qui sert dans la 114e division livre se témoignage déroutant :


« Peu importe l’âge, aucune femme n’échappa au viol. (…) Chacune était attribuée à quinze ou vingt soldats qui les violaient ».


Iris Chang, historienne américaine, et petite fille de rescapés

du massacre de Nankin, livre ces récits affolants :

 


Des petites filles subirent des assauts d’une telle brutalité qu’elles étaient ensuite incapables de marcher pendant plusieurs semaines.

Des témoins virent des soldats violer des fillettes de moins de dix ans dans les rues avant de les couper en deux avec leur sabre.

Dans certains cas, ils ouvrirent le vagin de préadolescentes afin de les pénétrer plus efficacement » (Le viol de Nankin)


Des pères furent contraints de violer leur propre fille, et des mères leur fils sous les yeux du reste de la famille » (Le viol de Nankin)

 

L’ordre de Soto précise qu’à Nankin il faut exécuter tous

les soldats prisonniers chinois.

C’est dans ce contexte que les Japonais vont pratiquer

comme une discipline sportive récréative.

Ainsi organise-t-on des concours de décapitation de Chinois.

Les corps de nombreux prisonniers  sont utilisés comme coussins

pour l’entraînement au maniement de la baïonnette.


Mickaël Prazan, professeur de littérature, montre qu’au-delà de

l’horreur subjective, les sévices des japonais se rattache

paradoxalement à  des référencements culturels précis :


A Nankin, la baïonnette et le sabre furent utilisés, non pas comme des armes de combat, mais comme des instruments d’exécution et de torture. De telles armes permettaient d’économiser des balles, tout en renvoyant à l’univers martial du Zen,

codifié naguère par le bushido, anoblissant ainsi leur usage.

Le maniement est d’ailleurs l’un des exercices enseignés par le bushido sous le nom de juttejutsu »

(Le massacre de Nankin)

 

Pour encourager l’usage de stupéfiants et accentuer la dépendance

de la population, les Japonais rétribuent couramment main-d’œuvre et prostituées en narcotiques.

Dès dix ans, les enfants se voient proposer des cigarettes d’héroïne.

Selon les recherches menées par le professeur de l’université

de Nankin Miner Searle Bates, « quelque 50 000 personnes de la région de Nankin –

soit un huitième de la population de l’époque – consomment de l’héroïne » (Ibid)

 

Le bilan de Nankin est terrible.

De 20 000 à 80 000 femmes

et fillettes sont violées.

D’autre part, selon les autorités chinoises,

300 000 civils et militaires

chinois sont tués dans la ville.

Si les cadavres de Nankin avaient été empilés les uns sur les autres,

ils auraient atteint la hauteur d’un immeuble de 74 étages.


Cependant, dans cet épouvantable drame, un homme va pourtant réussir à sauver d’une mort certaine plusieurs dizaines de milliers de chinois.

 

 

John Rabe, l’improbable sauveur nazi

 

John Heinrich Rabe est un citoyen allemand. Il travaille en Chine

depuis plus de 30 ans quand les Japonais encerclent et bombardent Nankin.


Au lieu de fuir lâchement comme la plupart des riches étrangers de la ville,

il fait preuve de solidarité et reste aux côtés du peuple chinois.

Par ailleurs, il est membre du parti nazi, et représente le groupe Siemens.
Sous son impulsion, et celle d’une poignée d’autres Occidentaux,

va naître une zone de sécurité dans Nankin.

Elle permettra de sauver quelques 300 000 chinois selon les archives de la cité.

Rabe est alors président de ce Comité international.


Ainsi, totalement investi de sa mission, il n’hésite pas à envoyer un télégramme

à Hitler en personne ! Il lui demande d’intervenir auprès des autorités

japonaises pour garantir la sécurité dans cette zone.

Parallèlement il fait de même à l’attention du patron de Siemens.

Dès le lendemain, les bombardements dans la zone cessent.

 

C’est un franc succès, quasi inespéré.

 

Le nazi qui inspirait tant de méfiance de la part de ses homologues américains

suscite désormais le respect et l’admiration.

 


La zone de sécurité, de quatre kilomètres carrés seulement,

représente toutefois la différence entre la vie et la mort pour des dizaines de milliers de chinois qui se trouvent encore dans la ville.


Rabe sera plus tard qualifié d’« Oskar Schindler de la Chine » par l’Occident.

Pour leur part, les habitants de la ville martyre le surnomment avec beaucoup d’affection

« le Bouddha vivant de Nankin ».


Cependant, cette mise en place est en fait calquée sur le modèle de Shanghai.

 

En novembre 1937, un prêtre français, le père Jacquinot de Bessage,

avait déjà fait de même.

Son action avait permis d’abriter quelques 450 000 réfugiés

privés d’habitation.

Même si les habitants n’étaient pas tous menacés physiquement,

ils étaient néanmoins dans une situation extrêmement précaire.

 


Rabe, le héros nazi de Nankin, n’aura malheureusement rien pu faire contre les terrifiantes expériences scientifiques menées dans le plus grand secret par les unités spéciales de l’armée nippone.

 

 

Expérimentations sur des cobayes humains

 

Les Japonais se livrent à des expériences médicales sur la population.


Unité 731 :


Le général ShiroIshii dirige les opérations.

 

C’est le docteur Mengele japonais.


Le principal objectif poursuivi par cette unité est la conception de

nouvelles armes bactériologiques ; il s’agit pour le Japon de

trouver un outil militaire simple, rapide, et efficace en vue d’agrandir son empire.


Elle se situe près d’Harbin, dans le Mandchoukouo.

 

Dès 1932, des prisonniers de droit commun, vagabonds, ennemis d’Etat,

communistes, intellectuels, chinois, russes, coréens …

sont les victimes de ces terribles recherches scientifiques.


On leur inocule toutes sortes de bactéries mortelles et de virus.

 

Certains sont même exposés à des températures de moins 50 degrés

jusqu’à ce que mort s’en suive.
Il n’y a aucun survivant.


Pourtant, après la guerre, aucun des savants criminels de l’Unité 731 ne sera jugé.

Pire encore, le général Ishii, le cerveau de l’opération, est même envoyé

discrètement en Californie où il poursuit ses travaux en toute tranquillité !

 

Unité 1644 :


A Nankin, à partir de 1939, les Japonais mènent des recherches sur des cobayes humains.

 

Un hôpital chinois de six étages est transformé en laboratoire destiné à la recherche épidémiologique auquel on donne le nom d’ « Unité Ei 1644 ».

 

Les scientifiques injectent ou administrent aux prisonniers toutes sortes de poison, microbes, gaz mortels, et même du venin de serpents.


Ces deux unités auront à leur actif plusieurs milliers de victimes, et laisseront derrière elles un traumatisme profond.


Par ailleurs, peut-on imaginer un instant que ces recherches médicales inhumaines aient eu le consentement tacite de la religion bouddhique ?

 

 

Le bouddhisme japonais, une religion au service de la colonisation

 

« La loyauté est plus lourde qu’une montagne, et notre vie est plus légère qu’une plume ».
Voici en substance ce qu’on enseigne aux militaires Japonais.

 

Cette célèbre devise, inspirée du code du Bushido,

le code de conduite des samouraïs, est l’archétype

d’un ensemble de règles morales qui fanatise les soldats.

 

Mieux vaut se faire harakiri que de se rendre à l’ennemi.

Celui qui se rend n’a pas d’honneur.

Les Japonais considèrent ainsi avec un mépris exacerbé les soldats chinois

qui se rendent par milliers, parfois sans combattre.

Ils les assimilent à des êtres inferieurs, et les traitent

dès lors comme des animaux.


Le bushido (littéralement la voie du sabre) et le bouddhisme zen fusionnent.

Cette nouvelle doctrine, à destination des jeunes recrues,

impose et accentue le fait d’être loyal, de ne pas avoir peur de la mort,

et surtout d’agir sans penser.

L’intégration du bouddhisme dans la machine de guerre japonaise est un franc succès.

Il vient cautionner, voire légitimer l’expansionnisme barbare de l’Etat nippon.


Le professeur Brian Victoria nous laisse entrevoir le lien étroit qui existe entre bouddhisme et expansionnisme nippon :


Une proclamation de soutien aux initiatives militaires du Japon est signée le 12 juillet 1937 par des représentants des hiérarchies de chacune des grandes sectes du bouddhisme (…) Les bouddhistes japonais pensent quant à eux que, pourvu qu’elle soit menée pour une bonne raison, la guerre est en accord avec la grande bienveillance et la compassion du bouddhisme » (Le zen en guerre 1868-1945)

 

L’historien Yoshida Kyuychi remarque quant à lui que le travail missionnaire des moines dans les territoires occupés par l’armée nipponne est avant tout un rouage de l’administration coloniale japonaise. Son but ultime consiste à « propager l’influence bénéfique de l’empereur ».


B. Victoria lève le voile sur le rôle des moines dans les territoires occupés par le Japon :

 


C’est à cette fin notamment que la secte plaçait des « tablettes de l’empereur » (tenpai) sur les autels des missions qu’elle avait ouvertes sur le continent. Ces grandes tablettes, posées à côté du principal objet de culte, la statue de Bouddha Amida, visaient à inculquer aux peuples colonisés la vénération, la loyauté et l’obéissance dues à l’empereur du Japon. C’était un artifice pour imposer le culte de l’empereur sous couvert de bouddhisme. La pilule, disaient les sectes, serait d’autant plus facile à avaler que les populations colonisées étaient elles aussi bouddhistes » (Le zen en guerre 1868-1945)

 

 

Un deuil impossible

 

Deux grands procès se tiennent au Japon et en Chine pour juger

les responsables de cette tragédie.

Cependant,

aux Procès de Tokyo et de Nankin,

les plus grands décisionnaires nippons sont absents.

 

Véritable scandale juridique international,

découlant directement du contexte géopolitique.

 

En effet, le gouvernement américain a préféré accorder

l’immunité à l’Empereur Hirohito et à ses proches 

en échange de la capitulation japonaise.

 

Cette justice tronquée explique en partie pourquoi

les douloureuses relations sino-japonaises rejaillissent

régulièrement sur le devant de la scène internationale.

 

 

Jérémie Dardy

 

Sources : 

http://www.milkipress.fr/2014-01-17-les-crimes-de-guerre-japonais-en-

chine-au-xxe-siecle.html

 

https://www.youtube.com/watch?v=JBmiELxLwbE